Un champ de symboles

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Il pleut, l’été pâlit et ma plume est en peine
Les collines au loin coiffées d’un chapeau gris
Dérobent leurs couleurs et la cime d’un frêne
Il pleut.Tout simplement. Pourquoi cet air surpris ?

Dépouillés de tout sens, les mots dans le ruisseau,
Çà et là ballottés comme l’herbe mauvaise,
Refusant de couler, tentent dans un sursaut,
De se hausser, perclus, jusque sur la falaise :

Ne cherchez pas mon cœur, je l’ai bouté dehors
Je ne peux offrir que la cale d’un navire
Désormais vide ! Elle qui contint un trésor
Secret, a perdu l’or qui aurait pu séduire…

Mais ce murmure… Il me semble sentir, Poète,
Sur la nuque, un souffle qui m’effleure, léger,
Est-ce le zéphyr ou bien vos lèvres ? Vous êtes
L’inconnu à la cape, étrange et familier.

Deviser vous et moi, de la pluie, du beau temps,
Des humeurs et du pain ? Au feu de la lanterne,
La magie qui nous frôle est la fleur de printemps ;
D’un champ de symboles, l’invisible poterne.

Poème en alexandrins, hommage au poète et à la magie des mots, qu’il faut savoir parfois préserver…

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Haïkus de soi

Dans l’être de bronze
une fissure révèle
l’humain voit le jour

Nuit noire est le ciel
jaillit la lumière crue
myriades d’étoiles

Esprit prisonnier
le coeur est sous les barreaux
la clé est en soi

Entre sel et sucre
un oeil pleure et l’autre rit
le printemps chancelle

Un rêve qui brûle
cruelle réalité
espoir est la vie

Mystère des mots
plume trempée dans le coeur
multiples artères

Trouée dans le ciel
rai de lumière complice
regards dans les nues

Effleurement d’âmes
lettre après l’être se pâme
douceur d’un instant

Pensée vagabonde
les lèvres au bord des mots
un voile se lève

Présent à rebours
le passé dans les abysses
l’instant est futur

Au coeur d’une histoire
Chronos est toujours vaincu
le rêve a des ailes

 
Ces quelques haïkus sont une expression de soi, cette petite particule au coeur de l’Humain et de l’univers…

Disséminés au gré de mes réponses sur twitter, entre avril et mai, je les ai réunis ici. Voilà pourquoi je les nomme « haïkus de soi », soi étant l’essence d’humanité que je percevais dans les tweets que je lisais…

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L’anaphore

Préambule :

Cher lecteur, je ne te propose pas ici un glossaire ni un traité de stylistique, mais simplement quelques explications sur les figures de style que j’emploie dans mes poésies. Puisées dans le vivier commun de notre patrimoine, elles fleurissent bien souvent les écrits des poètes.

L’acte d’écrire :

Lorsque l’on commet l’acte d’écrire, on est amené à faire des choix. S’il s’agit d’un roman, on s’interrogera sur le point de vue à adopter, le statut du narrateur et des personnages, entre autres. Le narrateur omniscient n’est plus de saison depuis Le Nouveau Roman qui après être parvenu à la négation du personnage, a abouti, par voie de conséquence, à l’impasse romanesque. La Jalousie de Robbe-Grillet, marque un tournant déterminant et je dirais même à la fois fatal et bénéfique, en ce qu’il est une fin et un renouveau. Le roman a rebondi depuis, enrichi des recherches effectuées par les auteurs appartenant à ce courant, qui avaient décidé de déstructurer le roman afin de le rendre plus proche du subconscient de l’homme.

Ainsi pourrions-nous mentionner les explorations du temps, l’abandon de la chronologie linéaire pour tenter de saisir le temps psychique où les notions de passé, de présent et de futur sont sublimées. Je citerai deux œuvres, mais elles sont nombreuses : L’emploi du temps de Michel Butor, La muerte de Artemio Cruz, de Carlos Fuentes.

Pourtant, je dirais, avec tout ce qu’il y a de plus subjectif, que l’interrogation sur les statuts de l’auteur, du narrateur et du lecteur commence avec Jacques Le Fataliste de Denis Diderot, que je considère comme un précurseur. Je vois déjà grimacer quelques personnes à la lecture de ces lignes, mais écrire est un acte que le « je » assume pleinement.
Si ce petit article t’intéresse, il te suffit de le dire et je pourrais envisager un développement sur le thème romanesque.

L’acte d’écrire de la poésie :

Me lancerais-je dans une définition de la poésie ? De la poésie lyrique à la poésie engagée, de la poésie en vers à la prose poétique ? Non, du moins par pour l’instant, car je m’éloignerais de mon sujet. Je te dirais simplement, cher lecteur, que la poésie me permet d’exprimer mes émotions et que, parfois, elle joue même le rôle de catharsis que d’aucuns prêtent plutôt au théâtre.

L’acte d’écrire : mise en valeur, révélateur

Vers libres, vers réguliers, formes fixes ou pas, la poésie est une composition musicale dont les mots, leurs sons et leurs images souvent connotées créent une harmonie qui exaltent l’oreille, le cœur, l’esprit et l’âme, pour ceux qui les différencient.

Le poète va donc choisir dans l’immense palette des mots, des sons, des images pour écrire son texte mais il va également choisir ses instruments techniques pour donner à sa palette une forme qui la mette en valeur, qui la révèle, qui la fasse résonner.
Aujourd’hui, je te parlerai de l’anaphore.

Définition du Littré :
« Figure de rhétorique. Répétition du même mot en tête des phrases ou de membres de phrase. »

Je l’utilise souvent, ainsi dans « Partout où … » mon dernier poème publié.
« Partout où le jour veille les fleurs
Partout où la mer joint l’horizon
Partout où nos pas font les saisons »

Cette redondance, choisie, a pour objectif de tenter de saisir l’immensité du monde qui nous entoure et de te permettre, cher lecteur, de comprendre et de ressentir, l’importance d’un sentiment que les mots, limités dans leur seule expression, ne permettent pas d’envisager. Ce « partout où… » est jeté comme un pont entre ce que l’on voit et ce qui se dérobe à la vue.
Figure d’insistance, il est là comme un refrain qui te conduit toujours plus loin…

Je l’ai employée également dans « Enroule-toi dans mes cheveux »

« Quand de sourdes clameurs portent le clairon,
Quand la terre ploie sous le bruit des canons,
Quand le vent dément déchaîne les Furies,
Quand le destin, veuf, sombre dans l’agonie, »

Dans ce poème-ci, l’anaphore « quand » insiste sur toutes les occurrences où la vie est bafouée, maltraitée. Elle met en valeur la présence inébranlable du « je » et traduit son sentiment indéfectible.

Je souhaite que la lecture de cet article ait suscité, cher lecteur, tout simplement ta curiosité et ton intérêt dans ton appréhension de l’acte d’écrire.

Et comme une fois n’est pas coutume, suite à la lecture d’un article sur l’emploi « du trait d’union » (oui, je sais, c’est un point d’orthographe !) pertinent et riche, j’ai eu l’idée d’écrire un article sur les origines de ce petit trait qu’il me plaît de nommer « relieur ». Le vénérable Chat Lettré Eschylle m’a fait l’honneur de le publier sur son blog, en complément du sien. Quoi ? Tu ne connais pas le Chat qui écrit du rêve ? Je t’invite alors à visiter son site sans plus tarder !

Profites-en pour lire nos deux articles :

Le trait d’union Eschylle

Historique d’un petit relieur Eleusis

et que cela devienne un :

Petit pont de lettres
trait d’union entre les hommes
une main tendue

entre nous, lecteur ami…

La prochaine fois je te parlerai de l’anadiplose, non ce n’est pas un animal préhistorique !

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Accrochés aux étoiles

La ronde des étoiles
Danse le cours du temps,
Imprime dans la toile
L’envers du continent.

Au vol d’un goéland,
L’océan se déplace,
Arrache un cri au vent,
Puis regagne sa nasse.

Les paumes de nos mains
Jointes, ne forment qu’Une
Au coeur des lendemains
Sculptés dans la lagune

Ton souffle est le printemps,
Et ton coeur, ma fortune.
Nous sommes deux enfants,
Au fronton de la Lune.

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Le présent, temps idéal ?

À la naissance, le Temps nous enlace
Et qui aime la danse croit lui échapper
Mais la valse finale, de la vie nous délace
Et la faucheuse ne tarde à nous écharper.

« L’Homme avance vers la mort, la tête tournée vers le passé. »
Cette phrase m’est venue alors que je tentais de saisir( quelle prétention, ai-je d’abord pensé) le présent ! Les mots que je viens d’écrire ont déjà sombré dans le passé ! Seul ton regard, lecteur, peut les faire revivre et s’inscrire dans le présent.
Sablier, clepsydre, horloge, grain de sable ou tic tac régulier, le temps perçu comme un ennemi, Chronos dévorant ses enfants, semble s’écouler, de façon linéaire et inéluctablement, si nous adoptons un point de vue scientifique.

Lorsque l’on cherche la définition du présent dans un dictionnaire et je citerai, en l’occurrence, le Littré et le Robert, le présent se définit par opposition au passé et au futur, comme :
S. m. Ce qui est actuel.
Plutôt vague…
Indivisible, le présent est une durée, celle qui sépare le deuxième grain de sable en train de tomber, du premier déjà tombé.

Deux philosophes avaient déjà capté mon attention :
Bergson, qui a beaucoup écrit sur le sujet et dont j’ai retenu ces phrases :
« Seul le moi éprouve le temps dont l’essence est la durée. »
« Sans doute, il y a un présent idéal, purement conçu, limite indivisible qui séparerait le passé de l’avenir »

Pascal qui considère que « Le présent est le seul temps qui est véritablement à nous »

Ce présent, que tant de poètes, en particulier les Romantiques, ont voulu immortaliser, étirer à l’envi (l’on songe bien sûr à Lamartine) n’est-il pas aussi l’instant où notre être, tous les pores ouverts, se laisse pénétrer par l’événement, heureux ou malheureux, cette durée où il n’est qu’émotion ?

N’est-il pas dans tout acte de création de l’homme depuis le début de son évolution ? Et dans l’oeuvre de l’artiste, qui est atemporelle ? Car l’homme dispose, sans doute sans en avoir pleinement conscience, de ce moyen pour contrarier l’ogre impitoyable.

À méditer

 

 

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