Le ciel s’est dévêtu, il s’exhibe bleu nu La nuit encore une fois a perdu son empire Et le jour la poursuit dans son antre ténu, D’un amour sans issu. Et la lune soupire…
Sur son trône aux couleurs, Junon fait la roue. Tandis que Cupidon, joufflu et maladroit, Savoure quelques traits que le destin dénoue, Phébus, l’astre vainqueur, s’est juché sur un toit !
La rose au corps fané contemple les bourgeons Elle était reine hier, aujourd’hui elle pleure. Le cœur devenu gris d’un coup de badigeon Elle courbe le col sous la faux qui l’effleure.
Le tilleul engourdi s’étire en gouttes d’ombre… Sur les yeux alanguis à l’abri d’un recueil, L’été comme un amant que le désir encombre Avale un thé glacé et attend sur le seuil.
Même si le ruisseau est tari Qu’il ne fredonne plus et qu’il meurt aux vasques des fontaines Que des mots qui te défont, épars, ne restent que les phonèmes Vois ! Il revient toujours Il n’est de château dormant plus de cent ans Les chatons dorés du noisetier Les iris mauves et les samares de papier le clament au vent.
Même si l’azur éternue dans la brume Que le soleil pâle affronte la lune noire Que le pinceau ne dilue que les bleus de Renoir Vois ! Il revient toujours La forêt revêt ses dégradés de vert L’or vif des genêts et des jonquilles brasille Il n’est d’anges rubiconds sans Léviathan
Même si les abeilles ne te confient plus le secret de leur miel Que la lyre d’Orphée a les accords d’une vielle Écoute ! Il revient toujours Les gazouillis étreignent l’aube dans un prélude à l’amour La pomme de pin chiffonne l’air, comme une toupie Les trilles du philomèle caressent les cœurs en peine Il n’est d’univers merveilleux sans sorcière
Même si les étoiles timides se cachent dans leur mouchoir Que les astres sans couleur refluent dans ton miroir Écoute ! La Grande Ourse fait sonner ses crécelles La vie gonfle tes veines de ses futurs espoirs Petit, le printemps revient toujours La femelle du coucou gris chante ses ardeurs Et le ruisseau, à la source de tes larmes, reprend sa trajectoire…
Depuis combien de temps sommes-nous face à face, Voyageurs réunis au sein d’un même espace ? Pour cultiver la fleur qui tremble sur sa tige, Chaque rentrée est un vol de haute voltige !
Derrière vos écrans d’ ipad, d’ ordinateurs, Se cachent des terreurs nichées dedans vos cœurs D’adolescents. À vos mains tendues vers la lune, Offrir la lettre qui déjouera l’infortune…
Quand sur le tableau blanc vos rêves s’inquiètent Et que dans vos écrits, mes mots verts se reflètent Dans vos yeux grand ouverts, je vois tous mes enfants Mélange de couleurs, vous êtes noirs et blancs…
Neuf mois de gestation, de défis, de confiance De la provocation à vos murs de silence De vos espoirs muets à votre démesure L’amour qui nous unit est une note pure !
Je pense que pour enseigner, il faut avoir la vocation, comme on dit… Chaque année, un contact s’établit avec une multitude d’élèves, que nous revoyons plus tard ou non…Contact fait de méfiance, de crainte, de provocation mais aussi d’une confiance absolue, touchante , d’espoirs, d’attentes et même de larmes d’adieu ou d’aveux des coeurs qui semblaient les plus durs ! Le savoir se transmet au sein d’un florilège d’émotions… Je rends hommage à tous ceux avec qui j’ai passé une année, parfois plus. Du collège à l’université, quand je sortais moi-même tout juste de l’adolescence. Les jeunes sont l’avenir et j’aime leur rire et leur démesure, dans une société de plus en plus étriquée ! Ils sont la seule récompense de ce métier dont les conditions ne cessent de se dégrader et sur lequel on jette un voile pour se masquer la face !
Quelle est celle des trois qui naquit la première ? Leur lange de couleur brodé par mille mains Ferventes, les reçut sans aucune prière Leur regard lumineux ouvrant d’autres chemins
Le peuple stupéfait le regardait briller Mais nées les yeux ouverts, leur corps, lui, restait frêle D’une révolution qui manqua de ciller Dans l’histoire souvent, marquée de coups de grêle
De son berceau natal la liberté alla Briser les bracelets mutilants de l’ esclave Et sur les dos zébrés, la lune se voila Du rouge taffetas d’un peuple qui se lève
Le visage serein de la deuxième sœur Accordait à chacun une même espérance Mais souffrant d’un pied bot excitait la rancoeur De maîtres corroyeurs avides de puissance
La plus humble des trois, emplie de compassion L’amour à son drapeau, ne connaît de frontière Elle élève toujours, elle est l’annonciation L’union et l’avenir. Elle est l’hospitalière…
Elle répond au nom, commun : fraternité
Je n’ai pas pour objet, dans cette rubrique consacrée à la poésie, d’ouvrir un débat, mais je ne peux m’abstenir d’inscrire quelques mots !
Cette volonté d’écrire sur la devise républicaine du peuple français hantait mon esprit depuis longtemps. Mais les idées restaient dans les limbes. Puis ce sont des vers entiers, je dirais même le premier quatrain qui se présenta à moi, je compris que je pouvais commencer à exprimer ce qui me tenait à coeur.
La liberté est bridée par le contrôle toujours plus grand du pouvoir sur l’individu, l’égalité reste une valeur partagée par quelques uns, mais il serait intéressant de s’interroger sur la réalité qu’elle revêt aujourd’hui. De plus, il y a une tendance à confondre « égalité » et « uniformité » …
La fraternité, il est dans le pouvoir de chacun de regarder l’autre, c’est en elle, à mes yeux que réside tout progrès de l’humanité.
Comme un temple dressé, gardien de l’océan
Battu par le vent sur ton socle inébranlable,
Témoin muet et fier, solide et immuable
Mémoire du monde, de l’eau et du néant,
À ceux qui écoutent, tu racontes ta vie.
Les moules, le lichen accrochés à ta peau
Comme l’onyx, mouillée ; ils ne sont qu’oripeaux,
Éphémères lambeaux, coquilles de survie :
« Je surplombe les flots et défie la tempête
J’ai vu des galères, des boutres, des galions.
Frappés à la drisse, les plus beaux pavillons
Gonflés d’espérance, partir à la conquête.
J’ai vu l’homme libre et l’homme portant des chaînes,
Des héros dont l’écho porte encore les noms :
Flibustiers, corsaires, pirates aux surnoms
Flottant dans l’air marin, tels la fièvre quartaine.
Passent pourtant les jours, les mois et les années,
Le printemps et l’automne et l’hiver et l’été
Et l’enfant qui grandit et le vieil entêté
Et l’arbre qui se meurt et les roses fanées.
Rien ne résiste au temps ! Mais moi qui vous regarde
Je conte votre histoire et vous plains de ne voir
Le soleil sur la dune et la mer en miroir…
Moi, le simple rocher, je suis… celui qui garde.
Je conte votre histoire et vous plains d’être sourds.
Sourds aux chants des oiseaux, au silence, à la terre.
Vous gaspillez vos jours à vous faire la guerre
Moi le simple rocher, je suis pétri d’amour. »
Écrit en alexandrins, ce mètre si propice à l’épopée, j’ai souhaité adopter le point de vue d’un rocher, employant en l’occurrence, le procédé de style très prisé des fabulistes : la prosopopée.
Un rocher qui s’adresse aux hommes dont la vie est si courte et qui gaspillent leur temps, sans voir la beauté de ce qui les entoure…
Le premier quatrain, semblable à une introduction et le dernier, à une clausule, alternent masculine-féminine-féminine-masculine, contrairement aux autres strophes où les rimes, également embrassées, commencent et se terminent par une rime féminine.
Écrit il y a quelques années, légèrement retouché, j’ai choisi l’impair « Plus vague et plus soluble dans l’air » comme dit Verlaine dans Art Poétique, et l’anaphore. Poème volontairement inachevé, je te laisse libre d’imaginer le dernier vers…
Partout où le jour veille les fleurs Partout où la mer joint l’horizon Partout où nos pas font les saisons
Sur le front pur d’un amour en pleurs Sur les blancs sommets cimes au vent Sur le brasier d’un volcan mourant
Sous la lance qui pourfend mon coeur Sous les débris des anciens amants Sous le passé mis en monument
Sur les murs d’un pays de mousson Dans la puce d’un ordinateur Sous le sifflet d’un oiseau moqueur
Plainte qui monte au ciel au coucher du soleil Quand l’astre dévoilé n’est qu’une fleur froissée Succombe à l’agonie, ô jour au sang pareil Pleurs qui sonnent au champ, de l’heure trépassée
Charon, cruel nocher, tu n’avais pas le droit De faire traverser mon amant bel et tendre Emporte l’obole, mais lui, laisse-le moi, J’irai comme Orphée le chercher sans attendre !
Je briserai alors l’horloge et à rebours, Brandissant les têtes de Cerbère haut et court, Braverai les Enfers et leur âme damnée
Rongerai les chaînes, l’amour sera ma loi ; La mort éternelle, j’apitoierai pour toi Nous fuirons le désert d’une ombre condamnée.
Lorsque je referme mon livre des amours posthumes, De voir la lueur de tes yeux danser au clair des dunes. Lorsque le ressac brasse mes pensées, une à une, L’embrun exalte un parfum capiteux que je hume
Alors, les ondes brunes murmurent ton prénom, Mes mains épousent ton visage de flibustier Et même si je suis loin, si loin, de ton lagon, Il me semble sentir encore le goût de tes baisers.
Partir, quand le cœur pleure au soir de tout quitter… Sur ton île aux couleurs changeantes, iridescentes Rire et lécher les larmes qui se sont mises à couler, Crois-tu qu’il fut facile de jouer l’indifférente ?
Neptune, mon confident, te dira que ce soir d’avril Un lac d’eaux douces, incandescent, a rejoint l’océan Et que tous les Tritons et les Nymphes nubiles Ont drapé la lagune d’un voile noir, évanescent.