La métaphore

La métaphore

Enfin ! Un nouvel article dans cette rubrique… Vous l’attendiez ? À vrai dire, moi aussi ! La plume et l’esprit sont capricieux…

La métaphore est avant tout une image très employée, à l’oral comme à l’écrit. Elle est l’image jaillissant du coeur de l’homme qui veut partager son ressenti avec acuité, avec précision.

 Boileau disait qu’on entendait aux halles plus de métaphores en un jour qu’il n’y en a dans toute l’Énéide, [La Harpe,Cours de littér. t. VI, p. 468, édit. DUPONT.] !

Nous y avons consciemment, ou machinalement recours, lorsqu’elle est devenue « cliché ». 

Tenter de la définir est complexe dans la mesure où son champ est vaste, je rappelle que mes objectifs sont de donner un aperçu des figures de style, accessible à tous, non d’en faire le tour : telle est l’ambition des spécialistes. Cf préambule.

Si ces notions te semblent d’emblée rébarbatives, cher Lecteur, je ne t’en voudrais pas et t’invite à lire ma conclusion sur l’acte d’écrire où
« je » se livre à toi.

La métaphore est un trope :

Aborder cette notion est indispensable et me permettra d’évoquer, ultérieurement, d’autres figures où l’écrivain et le poète, pour s’exprimer, modulent le sens des mot en créant leurs propres images.

Un trope, mot vif et court qui ne vient pas de l’italien « troppo » non ! mais du grec «  τρόπος » qui signifie quelque chose comme « conversion, tour ». Du verbe grec « tourner » nous précise Henry Suhamy, universitaire spécialiste de stylistique et de métrique.
Les tropes seraient donc des mots convertis ? Convertis, détournés…

Trope :

définition : qu’en dit le Littré ? « Terme de rhétorique. Expression employée dans un sens figuré. »

À cette définition, il me semble judicieux d’ajouter ce que précise Dumarsais dans son « traité des tropes »

« Les tropes sont des figures par lesquelles on fait prendre à un mot une signification qui n’est pas précisément la signification propre de ce mot. »

Plus intéressants encore sont ces propos, toujours du même auteur :

Il ne faut pas croire que les tropes n’aient été inventés que par nécessité, à cause du défaut et de la disette des mots propres…. les hommes n’ont point consulté s’ils avaient ou s’ils n’avaient pas des termes propres pour exprimer leurs idées, ni si l’expression figurée serait plus agréable que l’expression propre ; ils ont suivi les mouvements de leur imagination et ce que leur inspirait le désir de faire sentir vivement aux autres ce qu’ils sentaient eux-mêmes vivement, [Dumarsais, Tropes, VII, 2]

Tu comprendras qu’ils me soient chers. Et puis, Lecteur attentif, tu ne peux que songer à l’écriture surréaliste… qui demanderait un ou plusieurs articles conséquents…

La métaphore ou l’appropriation du mot par l’écrivain :

Prenons ces vers célèbres de Victor Hugo :

Je ne regarderai ni l’or du soir qui tombe,
Ni les voiles au loin descendant vers Harfleur, extraits de « Demain, dès l’aube… »

Tous deux présentent un trope et nombreux sont ceux qui parleraient de métaphore dans les deux cas. Ce qui est tout à fait vraisemblable.
Néanmoins, si dans le premier vers le poète emploie une métaphore ; dans le second, il utilise une métonymie car les voiles sont une partie des embarcations et cette partie évoque dans notre esprit,  le tout.

Référons-nous à l’étymologie et à la définition de la métaphore :

Étymologie : Du grec, transport, métaphore, (voy. MÉTA-), et du grec, porter.

Définition donnée par Le Littré : « Dans un sens plus restreint, qui est le sens des rhéteurs postérieurs, de Cicéron, de Quintilien et le sens actuel, figure par laquelle la signification naturelle d’un mot est changée en une autre ; comparaison abrégée. Les métaphores ne sont autre chose que des similitudes abrégées. [Bossuet, 6e avert. 82]

Il y a donc dans la métaphore un rapport de ressemblance et « l’or du soir » est le soleil qui ressemble à l’or, par sa couleur. D’ailleurs, cette figure est enseignée aux jeunes écoliers de manière simplifiée comme une comparaison, sans mot de comparaison.

La métaphore : fleur poétique

Ah, je crois bien que c’en est une ! Pourquoi « fleur » ? Parce qu’ elle est ce qui, après avoir germé dans l’esprit du poète, s’épanouit pour traduire son ressenti ; parce qu ‘elle est ce qu’il enfante, ce qu’il crée en s’accaparant le langage, en le labourant, en le brisant, afin de donner vie à l’ inattendu : un nouveau rapport entre les mots et la réalité perçue…

Dans mon poème « va », j’écris :

« Le cœur est un moineau sensible »

j’ai choisi le plus peureux des oiseaux, celui dont le cœur s’affole au point de s’arrêter s’il se sent en danger. Ainsi ai-je voulu évoquer l’organe que nous considérons culturellement comme le siège des sentiments et qui s’émeut de la moindre blessure…

La métaphore filée :

Nous pourrions croire que la métaphore est suivie, en nous amusant avec le sens figuré (être filé)... En fait, elle suit un fil conducteur...

On parle de métaphore filée lorsque l’auteur emploie plusieurs métaphores qui se rattachent à un même « réseau » ou « champ » lexical.

Prenons les deux quatrains du sonnet de Baudelaire « L’Ennemi »

Ma jeunesse ne fut qu’un ténébreux orage,
Traversé çà et là par de brillants soleils ;
Le tonnerre et la pluie ont fait un tel ravage,
Qu’il reste en mon jardin bien peu de fruits vermeils.

Voilà que j’ai touché l’automne des idées,
Et qu’il faut employer la pelle et les râteaux
Pour rassembler à neuf les terres inondées,
Où l’eau creuse des trous grands comme des tombeaux.

Baudelaire évoque sa vie à travers les saisons et les éléments climatiques qui s’y rapportent :
« ténébreux orages, brillants soleils, tonnerre, pluie » etc. autant de métaphores des moments heureux ou des moments de souffrance…

La métaphore commune :

Pourquoi cet adjectif ? Lorsqu’une métaphore est banalisée par son usage, elle devient un cliché. Ainsi « une main de fer » « des yeux de biche » etc.

La métaphore est également employée dans les affiches, les publicités mais il me faudrait écrire plus d’un article pour évoquer ces occurrences…

L’acte d’écrire

J’espère que ta lecture ne fut pas trop rébarbative, toi qui es parvenu jusque là. Crois-moi, j’ai fait mon possible pour extraire les éléments indispensables à la compréhension et j’ai abandonné les termes trop techniques…

J’aimerais conclure sur l’acte d’écriture  et compléter ainsi ce que j’ai pu en dire dans l’article « l’anaphore » au paragraphe « l’acte d’écrire ».

S’ il n’y a pas de règle pour écrire de la poésie, il y a, comme en musique, des accords ou des dissonances, des chants ou des bruits…

Il y a un immense vivier de mots à notre disposition et d’autres à inventer.

Il y a ce que nous ressentons, ce que le cœur, le corps, l’âme et l’esprit ont le désir de libérer, d’exprimer.

Il y a ce que la langue offre dans ses sonorités, sa syntaxe. La poésie m’apparaît comme une rupture, une distorsion de cette syntaxe et une exploration des mots, des sons, pour en tirer un chant personnel, une harmonie intime.

Et puis il y a aussi les jeux de langage : quand l’inspiration me fait défaut, quand ni mon âme ni mon cœur, ni mon corps ni mon esprit ne veulent parler, parce qu’ils se replient ou parce qu’ils refusent de se livrer, je pars des mots eux-mêmes et de ce qu’ils évoquent ou je réagis aux mots et ou aux maux.

Quel procédé de style souhaiterais-tu me voir évoquer ? Tu peux faire des suggestions et me contacter en cliquant sur la petite enveloppe bleue « email » qui figure en bas de chaque texte…

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L’anadiplose

L’anadiplose

Je vous avais annoncé une brève présentation de l’anadiplose, qui, je le rappelle, n’est pas un animal préhistorique. Même si ce terme me semble grandiloquent, lourd et pesant, comme le diplodocus !

Figure de répétition 

Pour vous parler de ce procédé de style, je vais d’abord le situer dans les figures d’insistance et de répétition, tout comme l’anaphore.

Lorsque la répétition n’est pas une maladresse, mais un choix d’écriture, elle devient figure de style.
La répétition souligne et met en valeur, elle permet aussi d’établir des parallélismes entre les mots répétés.
Une autre de ses conséquences, Ô combien riche, dans un poème ou une chanson, est de donner un rythme au texte.
On peut aussi, d’ailleurs, mentionner son effet dans la mise en scène théâtrale où la répétition, jusqu’au ressassement, peut devenir un moteur du comique.

Mais revenons à l’anadiplose.

Étymologie et effets recherchés

Son étymologie : du grec « ana » nouveau et « diploos » double.
Elle consiste donc à répéter au début d’une phrase, d’une proposition ou d’un vers, des mots qui terminent la phrase, la proposition ou le vers précédent.

Ainsi, cette célèbre phrase du regretté Georges Brassens, dans laquelle on peut déceler une légère ironie, n’est-ce pas ?!

« Mourir pour des idées, l’idée est excellente… »

ou dans le premier quatrain de mon poème Étranger familier :

« Mes yeux ne vous voient pas, mais vous êtes ici,
Ici vous êtes bien, par mon anadiplose. »

Là, l’anadiplose établit un lien entre le visible et l’invisible, l’absence, qui est pourtant présence, par la magie des mots et du rêve.
Ces mots, cher lecteur, si riches, si pleins, qui nous échappent parfois, qui nous paraissent si vides, si creux lorsqu’ils sont mal choisis. Ces mots, lecteur, qui constituent un pont invisible entre nous.
Oh, il me semble que je me répète !

L’anadiplose est également employée dans un discours argumentatif, un raisonnement.
On parle alors d’anadiplose de liaison car elle a pour fonction d’introduire la suite du développement.

Pour clore ce petit chapitre, je dirai que l’anadiplose est une version courte, de la concaténation. Encore un mot à consonance douteuse qu’il faudra élucider…

Je te donne un indice  : « catena » signifie chaîne, en latin.

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L’anaphore

Préambule :

Cher lecteur, je ne te propose pas ici un glossaire ni un traité de stylistique, mais simplement quelques explications sur les figures de style que j’emploie dans mes poésies. Puisées dans le vivier commun de notre patrimoine, elles fleurissent bien souvent les écrits des poètes.

L’acte d’écrire :

Lorsque l’on commet l’acte d’écrire, on est amené à faire des choix. S’il s’agit d’un roman, on s’interrogera sur le point de vue à adopter, le statut du narrateur et des personnages, entre autres. Le narrateur omniscient n’est plus de saison depuis Le Nouveau Roman qui après être parvenu à la négation du personnage, a abouti, par voie de conséquence, à l’impasse romanesque. La Jalousie de Robbe-Grillet, marque un tournant déterminant et je dirais même à la fois fatal et bénéfique, en ce qu’il est une fin et un renouveau. Le roman a rebondi depuis, enrichi des recherches effectuées par les auteurs appartenant à ce courant, qui avaient décidé de déstructurer le roman afin de le rendre plus proche du subconscient de l’homme.

Ainsi pourrions-nous mentionner les explorations du temps, l’abandon de la chronologie linéaire pour tenter de saisir le temps psychique où les notions de passé, de présent et de futur sont sublimées. Je citerai deux œuvres, mais elles sont nombreuses : L’emploi du temps de Michel Butor, La muerte de Artemio Cruz, de Carlos Fuentes.

Pourtant, je dirais, avec tout ce qu’il y a de plus subjectif, que l’interrogation sur les statuts de l’auteur, du narrateur et du lecteur commence avec Jacques Le Fataliste de Denis Diderot, que je considère comme un précurseur. Je vois déjà grimacer quelques personnes à la lecture de ces lignes, mais écrire est un acte que le « je » assume pleinement.
Si ce petit article t’intéresse, il te suffit de le dire et je pourrais envisager un développement sur le thème romanesque.

L’acte d’écrire de la poésie :

Me lancerais-je dans une définition de la poésie ? De la poésie lyrique à la poésie engagée, de la poésie en vers à la prose poétique ? Non, du moins par pour l’instant, car je m’éloignerais de mon sujet. Je te dirais simplement, cher lecteur, que la poésie me permet d’exprimer mes émotions et que, parfois, elle joue même le rôle de catharsis que d’aucuns prêtent plutôt au théâtre.

L’acte d’écrire : mise en valeur, révélateur

Vers libres, vers réguliers, formes fixes ou pas, la poésie est une composition musicale dont les mots, leurs sons et leurs images souvent connotées créent une harmonie qui exaltent l’oreille, le cœur, l’esprit et l’âme, pour ceux qui les différencient.

Le poète va donc choisir dans l’immense palette des mots, des sons, des images pour écrire son texte mais il va également choisir ses instruments techniques pour donner à sa palette une forme qui la mette en valeur, qui la révèle, qui la fasse résonner.
Aujourd’hui, je te parlerai de l’anaphore.

Définition du Littré :
« Figure de rhétorique. Répétition du même mot en tête des phrases ou de membres de phrase. »

Je l’utilise souvent, ainsi dans « Partout où … » mon dernier poème publié.
« Partout où le jour veille les fleurs
Partout où la mer joint l’horizon
Partout où nos pas font les saisons »

Cette redondance, choisie, a pour objectif de tenter de saisir l’immensité du monde qui nous entoure et de te permettre, cher lecteur, de comprendre et de ressentir, l’importance d’un sentiment que les mots, limités dans leur seule expression, ne permettent pas d’envisager. Ce « partout où… » est jeté comme un pont entre ce que l’on voit et ce qui se dérobe à la vue.
Figure d’insistance, il est là comme un refrain qui te conduit toujours plus loin…

Je l’ai employée également dans « Enroule-toi dans mes cheveux »

« Quand de sourdes clameurs portent le clairon,
Quand la terre ploie sous le bruit des canons,
Quand le vent dément déchaîne les Furies,
Quand le destin, veuf, sombre dans l’agonie, »

Dans ce poème-ci, l’anaphore « quand » insiste sur toutes les occurrences où la vie est bafouée, maltraitée. Elle met en valeur la présence inébranlable du « je » et traduit son sentiment indéfectible.

Je souhaite que la lecture de cet article ait suscité, cher lecteur, tout simplement ta curiosité et ton intérêt dans ton appréhension de l’acte d’écrire.

Et comme une fois n’est pas coutume, suite à la lecture d’un article sur l’emploi « du trait d’union » (oui, je sais, c’est un point d’orthographe !) pertinent et riche, j’ai eu l’idée d’écrire un article sur les origines de ce petit trait qu’il me plaît de nommer « relieur ». Le vénérable Chat Lettré Eschylle m’a fait l’honneur de le publier sur son blog, en complément du sien. Quoi ? Tu ne connais pas le Chat qui écrit du rêve ? Je t’invite alors à visiter son site sans plus tarder !

Profites-en pour lire nos deux articles :

Le trait d’union Eschylle

Historique d’un petit relieur Eleusis

et que cela devienne un :

Petit pont de lettres
trait d’union entre les hommes
une main tendue

entre nous, lecteur ami…

La prochaine fois je te parlerai de l’anadiplose, non ce n’est pas un animal préhistorique !

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