Il pleut sur Varsovie…

Autre matin gris dans le ciel de Varsovie.
Le soleil a honte, il se cache. Les nuages
Parlent à sa place. Des averses de pluie,
Déferlent dru, sur le ghetto de Varsovie.

Les chiens se taisent. Plus un bruit dans Varsovie :
Rien que des hommes meurtris aux pas alourdis,
Au visage émacié, au regard ahuri.
La pluie ne mouille pas leurs silhouettes flétries,
Il pleut sur Varsovie.

La pluie ne lave pas leurs membres décharnés,
Elle ne fait que glisser, jusqu’au bout de leurs pieds.
Des ombres sans sourire gagnent leurs abris,
De tôle et de bois, de multiples débris.
Il pleut sur Varsovie.

Le sommeil s’est enfui du camp de Varsovie,
Rien que de la boue sur des corps ensevelis.
Les coeurs ne hurlent plus… Par-delà le souffrir,
Les âmes sont déportées. Ni Dieu, ni anges,
Ni même Lucifer, ne hantent cet enfer.

Il pleut sur Varsovie et nul ne s’en soucie.

Poème écrit et publié ailleurs il y a quatre ans maintenant… Publié sur mon blog dès sa création, il y a un an, je n’avais pas activé le lien qui me permet de twitter mes textes.

 

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Demain, ou bien un autre jour…

DSCF2303 - Copie

 

Demain je t’écrirai, ou bien un autre jour
Sur le chemin criblé, à la lueur du jour
Et je prendrai ta main.
Je mêlerai mes pas à ceux qui se souviennent
J’accorderai mes mots aux couleurs bohémiennes
Sous un soleil cubain

Demain je t’écrirai, ou bien peut-être pas
Je te dessinerai à l’aide d’ un compas
Et danserai pour toi
Je baiserai tes yeux pour partager ton rêve
Le regard vers les cieux, allongée sur la grève
Ma pensée sera loi

Demain c’était hier, ou bien un autre jour
Ma plume a déserté ton jardin et ta cour
La lune me tutoie
Sur le chemin criblé, c’est l’aube qui ruisselle
L’espoir est un enfant qui porte une étincelle
Dans l’ombre qui louvoie.

 

 

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Rhinocéros, scène unique (le retour de la bête immonde)

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Rhinocéros

(L’entrée d’un théâtre, une femme, un homme, un penseur. La femme est absorbée par ses pensées. L’homme et le penseur semblent se connaître).

L’homme, d’une voix grave ― Il a plu cette nuit.
Le penseur, pensif ― Oui, il a plu.
L’homme, consterné ― Il a plu toute la nuit !
Le penseur ― Oui, il a plu toute la nuit…
L’homme, nerveux ― Il a plu même sur mon lit !
Le penseur, enthousiaste ― Sur mon lit aussi ! Il pleuvait des rires, des mots et des dessins partout, c’était beauauau !
L’homme, en colère ― Les mots sont tombés en trombe et ma chambre a été inondée ! Les dessins se collaient aux murs comme des bulles de rire. Je hais les dessins ! Je hais les rires ! Je hais les mots !

(La femme, à côté d’eux, s’agite, le théâtre ouvre ses portes, la foule s’avance.)

Le penseur, après une pause où il semble réfléchir ― Ah, ça y est ! Vous êtes comme Jorge, le moine aveugle !
L’homme, qui ne comprend pas ― Un moine aveugle ?
Le penseur, d’un ton docte ― Oui, le personnage de ce roman « Le nom de la Rose », vous voyez ?
L’homme, agressif ― Non, je ne vois rien du tout ! Et je hais les romans ! Ils sont un poison pour l’esprit. Je n’en lis JA-MAIS !

(Le penseur recule d’un pas, comme frappé par ces paroles. Au même moment, la femme penche sa tête par-dessus la leur et s’écrie )

La femme ― Tiens, un rhinocéros !!

(L’homme et le penseur tournent la tête en même temps )

L’homme ― Où ?
Le penseur ― Mais là !
La femme, stupéfaite ― Tiens, un deuxième rhinocéros !!
L’homme, agacé de ne rien voir ― Où ?
Le penseur ― Mais là !

La femme, main en visière, ébahie ― Oh, mais ils entrent dans les locaux du journal d’en face !
Le penseur, intrigué (à part) ― Les rhinocéros commenceraient-ils à penser ? Surprenant, surprenant… Surprenant !

(Soudain, on entend un fracas épouvantable. Les deux rhinocéros, les yeux injectés de sang, ressortent des dessins pleins les cornes, de l’encre aux commissures de la gueule ainsi que des morceaux de crayon.)

La femme et le penseur, d’une même voix ― OH !! Ils ont tout dévoré !

La femme, inquiète ― Ils se sont arrêtés, on dirait qu’ils sont télécommandés !! Vous savez comme les jouets des petits. D’ailleurs, mon fils… (elle est interrompue et ne reprendra pas sa phrase)

Le penseur ― Regardez, regardez, les dessins s’envolent tous, il y en a partout… (Distraitement, il remarque que l’homme s’est esquivé en oubliant sa cagoule noire, tombée à terre.)

(Il pleut des dessins, sur la route, sur les immeubles. Les rhinocéros glissent dans le papier et se brisent la patte. Tous les passants, y compris la femme et le penseur, se précipitent émerveillés pour les saisir en liberté.)

Eux qui me faisaient rire, réfléchir et aimer la presse, je n’aurais pas cru qu’ils puissent me faire pleurer ! Je salue leur talent mais aussi  leur courage, leur dignité. Il y a peu de gens que j’admire, au sens le plus noble du terme, ils en faisaient partie.

Je crois que le plus bel hommage qu’on puisse leur rendre c’est d’écrire, de dessiner, de danser, d’exprimer, chacun à sa mesure, le même désir de rester debout ! Bouleversée, ce ne sont pas des vers qui me sont venus à l’esprit, non, c’est la pièce de Ionesco, car ce que nous devons combattre toute plume, tout crayon dressé, tous ensemble, d’où qu’on vienne, d’une même voix, ce n’est pas une religion,  c’est la bête immonde : l’intolérance ! Elle n’a pas de couleur, pas de nation, elle croît dans le fumier de l’obscurantisme et ne verse que les ténèbres. Alors j’ai écrit cette courte  scène qui est également un  hommage à Ionesco. Tu le sais, cher Lecteur, le théâtre n’est pas ma veine habituelle mais ces mots sont spontanés.

RQ : Que les rhinocéros de chair et de sang me pardonnent, c’est une espèce qu’il faut protéger à tout prix de la cupidité de l’homme !

 

 

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Le Parfum

carte symbole alchimique

Transformer l’univers en un vaste athanor
Soufre, mercure et sel sous la flamme vermeille
Réduire en poudre les chaînes, la haine et l’or
Pénétrer le puits noir où le mage sommeille

Fermer les yeux dans les bras de la terre mère
Mordre aux fruits défendus et répandre leur jus
Des lèvres goûter, tel l’amant se désaltère
La langue sillonnant le corps aimé et nu

S’enivrer du contact des bois et de la source
Attiser le désir à son point culminant
Sentir, sous ses dents, le temps battu dans sa course
Les paumes sur la chair et le pouls lancinant

S’abandonner, comme le rivage tremblant
Sous le flux régulier des vagues qui le lèchent,
S’imbibe peu à peu, humide et accueillant.
Que l’oeuvre au rouge soit d’amour et de ses flèches.

En écrivant ce texte m’est venu à l’esprit le roman de Patrick Süskind Le Parfum, d’où le titre. Je me disais que si l’on pouvait trouver un parfum qui transforme tous les sentiments humains de haine, de colère, de vengeance en amour, le monde serait idéal…

Chacun est magicien…

 

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