Printemps est poète (haïkus)

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Silence est la pause
Les mots au flux déchaîné
ont brisé la digue

Mots en liberté
retour à la source pure
l’écrit en frissons

Rivières en crue
les mots déferlent en vagues
rivage en folie

Rayon de soleil
la mer dune sur les toits
Noyé l’horizon

Senteurs dans les bois
les oiseaux moqueurs susurrent
l’amour en feuillage

Dans le lit de l’onde
fleurs fanées, bourgeons rieurs
printemps est poète

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Métamorphose

La lune ruisselle sur le feuillage vert et dense,

Sous ma robe tigrée, mes muscles ondulent et dansent,

J’arpente mon territoire. Délicate fragrance :

Près du point d’eau, un porc-épic enivre mon appétence.

La terre, chauffée par le soleil, exhale la forêt,

Je dresse mes oreilles, courbe la tête, papilles aux aguets :

Deux bonds, la bête oscille, se débat, le col défait.

Blessure au flanc gauche, chair tendre à souhait…

Respect de la proie tombée dans la joute :

Je suce jusqu’aux os l’offrande : je suis absoute.

Puis poursuis mon cheminement, seule, sous la voûte,

La faim qui tenaillait mon ventre s’est dissoute.

Soudain, mes narines s’emplissent d’un mâle parfum.

Feulement de reconnaissance, il surgit d’un recoin.

Regard mordoré plonge dans mes yeux jaunes, abyssins,

Attente d’un assentiment, approche du félin.

Langue douce lèche ma plaie superficielle,

Goût du sang, effluves sensoriels.

Jeux impatients, intime cérémoniel,

Toilettage parfait, quelques gouttes de ciel.

Les étoiles dérivent à vive allure,

Mon odorat s’amenuise, fêlure

Mon regard quitte l’horizon obscur,

Je me dresse sur mes pieds, nue dans ma cambrure,

De mon pelage ne reste qu’un triangle noir, une griffure.

Dans mes veines, une vigueur nouvelle et pure :

Je secoue mes cheveux de femme.

Ainsi que je l’avais annoncé dans « Au Lecteur », je présente et dévoile celle qui
marche avec moi, me tance et me ramène au sein de la terre…
Rassure-toi, je n’ai pas ses appétits et pleure à la vue d’un animal qu’on tue ! mais elle m’insuffle son énergie vitale et m’ouvre souvent les yeux.

Je me sens engagée dans la lutte pour le respect des droits des animaux, et en profite pour demander à mes semblables, du sexe féminin, de cesser de contribuer au commerce de la fourrure !

 

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L’Amoureuse (non ce n’est pas d’Éluard)

Joyeuse, pensive, prolixe ou silencieuse

Tout mon être tressaille, éperdu d’émotions,

Passant des larmes au fruit amer de la passion.

De l’impatience violente

À l’attente choisie ;

Du réel au rêvé, du lever au coucher,

De la Foi aux affres du doute,

Des caprices de l’esprit

Aux désirs de la chair…

Noyée dans un ciel mou,

Sous la paume d’une main,

À l’ourlet d’une bouche :

Je ris, je pleure, j’ai envie et j’ai mal…

J’ai tenté d’exprimer dans ce poème, la pluralité paradoxale des émotions qui nous agitent quand on est amoureux…

Cet état où l’on se sent pousser des ailes tout en se sentant gauche, où l’on se repasse le film des rencontres inlassablement mais où on peut également faire des bêtises à s’en mordre les dix doigts.

Cet état intensément sublime et vivant lorsqu’il est partagé, qui peut tracer le chemin de l’amour ou s’éteindre comme un feu de bois vif, devenu cendres…

J’avais écrit trois de ces vers il y a quelques années puis abandonné l’idée d’un texte…

 

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Enroule-toi dans mes cheveux

Quand de sourdes clameurs portent le clairon,
Quand la terre ploie sous le bruit des canons,
Quand le vent dément déchaîne les Furies,
Quand le destin, veuf, sombre dans l’agonie,

Enroule-toi dans mes cheveux
Je pourrais si tu veux,
Te caresser les yeux.

Quand l’espoir est l’oeil d’un cyclone, hagard
Quand déferlent des hordes sous étendard,
Quand du champ de bataille, gronde l’effroi,
Quand les diktats frappent et bousculent les lois,

Enroule-toi dans mes cheveux
Je pourrais si tu veux,
Te caresser les yeux.

Quand l’hiver aux mains rudes semble infini,
Quand des oiseaux ne demeurent que les nids,
Quand le repos course l’heure du mourir,
Quand l’humain capitule sans coup férir,

Enroule-toi dans mes cheveux,
Je pourrais, si tu veux,
Te montrer d’autres cieux.

Il me semble que lorsque l’homme est confronté à la guerre ou à la prison, sa seule liberté, sa seule évasion, réside dans les mots. C’est sans prétention que j’en propose quelques uns, animée par le désir d’apporter un peu de réconfort ou de rêve à ceux qui en expriment le besoin. Et puis, parce que je les aime. Les mots peuvent nous faire changer d’univers, lorsque les frimas surgissent dans nos vies.
Je pense à Madiba mais aussi à Atahualpa Yupanqui et à ses vers extraits de « Preguntitas sobre dios »

Yo canto por los caminos,
y cuando estoy en prisión,
oigo las voces del pueblo
que cantan mejor que yo.

mais aussi à la chanson de Michel Berger « Diego »

Les mots, comme une chevelure qui entoure, réchauffe, élève ou enlève.

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De l’avalanche

Ils se sont effleurés aux épis d’un hiver
De soie glacée. Il s’ immisça dans ses vers,
À revers, l’esprit allumé. Il implosa son univers.
Alors, chaque jour, comme une herbe sage,
De son champ d’amour, elle guettait son breuvage
Echo, la divine, apprenait son langage.
L’animal avait l’oeil roucoulant et bleu,
Pour un loup de souche, c’était plutôt heureux,
Pour elle, c’était un implicite des Cieux.
Mais elle sentait, dans l’humus de son cœur,
Un lac d’eaux sombres et de forêts en pleurs.
Ils n’en parlaient jamais, c’était mal heur.
Le temps s’estampillant, la belle s’enquérait :
Comment rejoindre la bête qui l’attirait ?
Elle eut alors une idée. Un soir sans attrait,
Elle plia sa peau de femme. Nue, bravant le froid,
Elle offrit son corps à la rudesse du bois,
Caressant le regard des dieux, tout pantois.
Emus, les membres roides comme les branches,
Ils l’exaucèrent : elle devint Louve blanche.
Elle fuit alors l’horizon et dans le pays comanche
S’unit au loup gris et ce fut l’avalanche.

 

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La biche au bois

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Sous ton masque de loup, tu te prétends lion
Nue, dans le sous-bois, je ne crains la morsure
De tes yeux pers; pourtant, je cache la césure…
Pour me rendre à la vie, es-tu Pygmalion?

Ta bouche a le parfum de la menthe sauvage
Cueillie sous le ciel bleu, à l’ombre d’un été
Tes mots dans mes cheveux défient l’éternité
Et le désir, ardent, souffle dans le feuillage

Quand, sur le sein gauche, ta paume vacillante
Sonde un cœur virginal, et, qu’au coup de minuit
Redevenue biche, je me fonds dans la nuit,
L’aube se fait rubis sur front d’adolescente.

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